Née en 1997, la radio
musicale jeune de Radio France, connue aujourd'hui en tant que radio urbaine (et
sans « Le ») a connue plusieurs vies. Inspirée initialement du modèle de la
Suisse Couleur 3, Le Mouv' se voulait une radio différente dès sa création.
Née à Toulouse, elle a connue un démarrage compliqué, avec un faible plan de
fréquences qui ne jouait pas en faveur. Problème qui sera corrigé
progressivement au fil des années, avec une arrivée sur la FM parisienne en 2002
sur le 92.1, fréquence qui servait de doublon à France Musique.
Au
lancement de Radioscope en 2004, Le Mouv' était dans une bonne forme. La
radio revendiquait « L'esprit rock », avec une programmation qui mélangeait
nouveautés et succès récents avec des nouveaux talents et des productions
indépendantes. La majorité des animateurs étaient dans la moyenne d'âge de
leurs auditeurs qui formaient une communauté, notamment le soir avec la
libre-antenne des « Filles du Mouv' », menée par Émilie Mazoyer (photo), une des
voix de radio révélées par la station. Sous cette formule (dirigée par Frédéric
Schlesinger qui succédait à Marc Garcia en 2003, puis Stéphane Ramezi en 2006),
Le Mouv' atteignait les 1,2 % d'audience en national, avec une couverture
FM développée majoritairement dans des villes avec une forte présence étudiante.
C'est à partir de la
fin des années 2000 que des changements commenceront à opérer. Fin 2008,
Hervé Riesen était nommé à la tête du Mouv'. Un nom qui a fait partie de
l'histoire de la station en étant parmi les premiers animateurs à sa création,
après avoir participé à la création de Couleur 3 France en 1994 (on
en avait parlé il y a quelques semaines). La playlist reste
majoritairement rock tout en s'ouvrant à d'autres styles, et la grille se
remanie avec de nouveaux rendez-vous et accueille en 2009 plusieurs voix
parties de Ouï FM après son rachat par Arthur : Christophe Crénel, Sandrine
Vendel, Philippe Audoin, ou encore Francis Viel. Le Mouv' marquera son évolution
à la rentrée 2009 en adoptant le slogan « L'alternative radio ». Mais
l'audience, elle, avait perdue du monde en cours de route...
Entre
temps, Jean-Luc Hees (photo) a été nommé à la présidence de Radio France en mai 2009.
Et face à des audiences qui zig-zaguent pour Le Mouv', il en fera un de ses
chantiers prioritaires, en la transformant radicalement à la rentrée 2010 pour
en faire une radio plus généraliste qui laisse davantage de place aux débats et
à l'actualité. Le nouveau Mouv' devient ainsi moins musicale et plus parlante
avec de nouvelles recrues pour incarner ces rendez-vous : Yassine Belattar
(venu de Générations et France 4) pour la matinale, Philippe Dana pour la
tranche info du midi, Frédéric Bonnaud pour une émission talk culturelle
l'après-midi ("Plan B... pour Bonnaud") suivi du « Forum » d'Éric Lange, une
libre-antenne autour de l'actualité qui laissera place par la suite au retour
d' « Allô la planète ». La musique reste présente le reste du temps, et le soir
avec la défricheuse anglo-saxonne Laura Leishman.
Cette
nouvelle formule peine à séduire le public, déstabilisé par tous ces changements
et l'impression d'écouter France Inter ou France Culture à certains horaires.
Ceux-ci ne se gêneront pas d'ailleurs à le faire savoir, notamment dans la
matinale de Yassine Belattar, lequel fera d'ailleurs une seule saison avant
d'être "remercié" par la direction du Mouv' qui avait entre temps changé,
Patrice Blanc-Francard ayant été nommé en mars 2011. Fin 2011, les sondages
Médiamétrie indiquaient que la radio attirait 210 000 auditeurs environ, soit
une chute de 30% en un an. Malgré tout, Le Mouv' conservera son format
généraliste « talk & musique », en continuant à l'ajuster au fil des saisons
avec de nouvelles émissions sur diverses thématiques. Pour Jean-Luc Hees, l'objectif était de doubler l'audience d'ici 2014. Pari difficile...
La radio avait démarré l'année 2013 avec 0,3% d'audience cumulée. Il avait par
ailleurs reconnu avoir un problème avec Le Mouv' devant la commission des
Affaires culturelles de l'Assemblée Nationale ; « C'est une radio mal née il
y a quinze ans à Toulouse, faite de bric et de broc et qui ne marche pas ».
Cependant, le président de Radio France d'alors ne comptait pas abandonner pour
autant.
Le
Mouv' fera ainsi sa rentrée 2013 avec un nouveau directeur : Joël Ronez (photo),
qui dirigeait le pôle nouveaux médias de Radio France, avec une ambition :
positionner Le Mouv' dans la stratégie numérique de Radio France et en faire une
« vitrine multimédia », à une époque où internet devenait de plus en plus
incontournable dans nos quotidiens. Une évolution qui sera notamment symbolisée
par le développement de contenus exclusifs au web (podcasts et vidéos). La
nouvelle grille, elle, sera lancée le 6 janvier 2014 avec un retour aux
fondamentaux ; fini la grille généraliste, Le Mouv' redevient essentiellement
musicale, avec un tiers de l'antenne consacrée aux nouveaux talents. Les
émissions, elles, se centrent sur l'actualité pour la matinale, sur le monde d'internet
le midi, et autour de la pop-culture en fin de journée. Le tout en réfléchissant
sur comment développer des ponts entre la radio et internet. Une forme de
laboratoire qui avait été d'ailleurs saluée par Stéphane Paoli sur France Inter
dans son émission « 3D, le journal » qui jugeait cette approche intéressante.
Pour Joël Ronez, « L’audience suivra si on réussi cette première étape. Il y
a eu beaucoup de directeurs à la tête de cette station et beaucoup de grands pro
de la radio. Et on n’a pas toujours trouvé la solution. ». Oui, mais...
cette nouvelle formule ne tiendra que 6 mois seulement !
Car
entre temps, Radio France a changé de président ; le 12 mai 2014, Mathieu
Gallet, retenu par le CSA, démarre son mandat.Et celui-ci avait lui
aussi sa vision pour Le Mouv' qui était tout autre : en faire une radio plus
urbaine, quitte à tout changer. Peu de temps après, il choisit de nommer
Bruno Laforestrie (photo), ancien directeur de la radio hip-hop parisienne
Générations, à la tête du Mouv'. Et c'est au cours de l'été 2014 que les
auditeurs vont sentir un début de mutation arriver avec l'arrivée
progressive en playlist de « hits mainstream » que la station ne diffusait
jamais jusqu'alors, notamment Maître Gims ou Taylor Swift, et davantage de rap à
la rentrée, tandis que toutes les émissions de la grille précédente sont
supprimées, l'antenne devenant un flux musical avec des tranches musicales
animées, qui seront arrêtées pendant les fêtes de fin d'année, avec le départ
d'une majorité des animateurs.
Le Mouv' végètera
durant quelques mois dans l'attente du lancement de sa nouvelle formule en
janvier 2015, réorientée sur le hip-hop, l'électro et l'info. Lancement qui
sera repoussée d'un mois en dernière minute, suite aux attentats de Charlie
Hebdo quelques jours plus tôt qui auraient incité Mathieu Gallet à repenser en
partie la partie info du projet. En attendant, l'antenne tourne en mode musique
non-stop et avait raté l'opportunité d'aborder cette actualité marquante avec
ses auditeurs, en leur donnant la parole. Ce qu'avaient fait ses rivales du
privé (Skyrock et Fun Radio en tête)
C'est le 2 février
2015 que la station jeune de Radio France se transforme radicalement.
Nouvelle identité et nouveau nom : Le Mouv' devient Mouv' et assume pleinement
son virage 100% hip-hop, avec une petite place pour l'électro durant ses
premiers mois. La nouvelle grille accueille beaucoup d'anciens de Générations
(Pascal Cefran, T-Miss, DJ First Mike, Dirty Swift...). Une relance qui n'avait
pas plu aux auditeurs historiques, qui avaient du faire le deuil de leur radio
au carré orange. Mais au vu de ses audiences,
Mathieu Gallet et Bruno
Laforestrie estimaient que Mouv' devait repartir d'une page blanche et se
réorienter sur des mouvements musicaux jugées "fédérateurs" auprès de la
jeunesse actuelle, malgré une thématique urbaine déjà très présente dans
l'univers radio avec Skyrock, Ado, Générations...Objectif : atteindre le
point national dans les audiences d'ici fin 2016. La station n'oublie pas sa
mission de radio publique en laissant une place aux émissions d'information et
de débats, et en organisant des ateliers radio dans des écoles. Autre idée
originale : fusionner rap et classique avec les concerts « Hip-hop
symphonique » où des rappeurs chantent leurs morceaux sur la scène de
l'Auditorium de la Maison de la Radio accompagnés par l'Orchestre Philharmonique
de Radio France.
Campagne d'affichage très urbaine pour Mouv', en mars 2015 (photo personnelle)
Après
des débuts balbutiants, l'audience de Mouv' commencera à reprendre des
couleurs progressivement au fil des années après avoir essayé de rajeunir
davantage sa cible et en misant sur les nouveaux supports numériques où les
jeunes sont de plus en présents (réseaux sociaux, Youtube, Twitch...). De 0,3%
d'audience cumulée en 2015, elle était montée à 0,9% en 2021, s'approchant
progressivement du point national. C'est dans cette voie qu'elle évoluera en
2022 sous l'impulsion de son nouveau directeur venu de Konbini, Mathieu Marmouget (photo) (Bruno Laforestrie étant parti à la direction du
développement et du studio Radio France). La grille de la rentrée 2022
accueille davantage de personnalités d'internet, tandis que la playlist met de
plus en plus en avant de nouveaux talents dénichés sur le web. Mouv' va
ainsi s'afficher auprès de la nouvelle génération en associant sa marque à de
grands événements sur le web : nouvel habillage réalisé par ZZCCMXTP (projet musical de KronoMuzik,
Pandrezz et Ronare) en direct sur Twitch et à l'antenne, partenariat d'une
écurie au GP Explorer en 2023 (une course automobile au Mans organisée par
Squeezie et retransmise sur Twitch), et un partenariat en mai 2024 avec la
K-Corp, une des plus importantes équipes d'e-sport de France.
La voiture de Mouv' qui avait roulé au 2e GPExplorer le 9/09/2023
(crédit/source photo : Nicolas Jacquemin / Radio France Publicité)
Radio
France semble aujourd'hui être enfin parvenue à trouver une stabilité pour sa
radio jeune, un domaine qui a longtemps été son point faible. Face à
l'émergence des radios pirates à la fin des années 70, elle avait crée Radio 7,
mais dont la diffusion restait limitée à une fréquence à Paris jusqu'à sa
disparition en 1987, tandis que plusieurs radios libres se
professionnalisaient et développaient des réseaux nationaux. Le Mouv',
ensuite, avait eu du mal à se faire une place auprès des jeunes à sa création en
1997 dans une bande FM qui était dominée par NRJ, Fun Radio ou Skyrock. Si
elle avait su trouver sa place dans les années 2000, Le Mouv' aura durant son
histoire souffert des changements successifs de présidences. Aujourd'hui Mouv'
est parvenue à stabiliser sa cible et son positionnement, non pas sans embûches
ni critiques, en développant une connexion avec les jeunes d'aujourd'hui qui
sont de plus en plus connectés. Sera t-elle amenée à se transformer à nouveau dans les années à
venir ?