Au début des années 2000, la radio AM
(pour "Modulation d'Amplitude" en français) avait encore quelques adeptes,
malgré qu'elle soit considérée comme obsolèteface à une FM bien
installée. Les grandes ondes permettaient de capter les historiques France
Inter, RTL, Europe 1 et parfois RMC dans des lieux où elles n'avaient pas de
fréquences, et les ondes moyennes avaient encore quelques amateurs qui
exploraient cette gamme d'ondes pour écouter ou découvrir des radios des pays
voisins émettant à des kilomètres, surtout en soirée où les ondes passent mieux.
Radio France y avait encore son réseau d'émetteurs ondes moyennes. Tout ça à une
époque où internet n'était pas encore omniprésent dans nos quotidiens.
En 2002, les ondes moyennes (OM) en France ne
semblaient pas en pleine relâche.Le CSA, présidé alors par Dominique Baudis, avait lancé le 27 février 2002 un appel
à candidatures qui était attendu par plusieurs opérateurs qui avaient montré un
intérêt pour la diffusion OM, et essentiellement de nouveaux entrants qui
voulaient se lancer dans l'aventure radio, alors que la FM de l'époque avait peu
de ressources pour permettre le développement de nouvelles radios selon un
rapport du CSA de l'époque (3 350 fréquences attribuées entre 1982 et 2002).
Cet appel allait permettre de donner
naissance à 6 nouveaux projets, peu après que Radio France ait choisi
d'attribuer une partie de son réseau OM à France Info. Présentation de ces
nouvelles radios, qui ont été lancées courant 2003-2004 :
-CIEL AM : une radio "judéo-soft" avec une vocation culturelle judaïque,
d'information et de divertissement. Elle visait tous les publics, avec à
sa tête Franck Sadia et Marc Scalia. Ciel AM avait déjà fait ses preuves bien
avant le "plan AM" du CSA, puisqu'elle avait démarré sur l'AM en 2001 à Paris,
faisant ainsi de Ciel AM la pionnière des radios privées sur l'AM en France.
Elle avait obtenu 3 fréquences à Paris, Strasbourg et Toulouse.
-RNT (RADIO NOUVEAUX TALENTS) : une radio musicale initiée par le groupe
Bolloré qui marquait son entrée dans les médias quelques mois avant de
lancer Direct 8 sur la TNT. Comme son nom l'indique, elle était ouverte aux
nouveaux talents musicaux, mais aussi du théâtre, du sport, du cinéma, de la
gastronomie, etc. La programmation, très éclectique, mélangeait
artistes indépendants et peu ou pas médiatisés avec quelquefois des artistes
déjà confirmés. RNT n'avait qu'une fréquence à Paris sur 1575 kHz.
-SUPERLOUSTIC
: quasiment 10 ans après son arrêt, celle qui fut autrefois le réseau FM de
référence pour
les enfants avait l'ambition de renaître sur les ondes dans une nouvelle formule.
Elle avait obtenue Marseille et Paris.
-LA
RADIO DE LA MER : comme son nom l'indique, sa thématique concerne tout ce qui touche
à la mer, mais aussi à la voile. La programmation musicale est tournée vers les
musiques du monde, et le lounge. Elle diffusait à Bastia, Brest, Montpellier et
Paris.
-LOISIRS AM : projet de radio lancé par Nagui via sa société "Air
Productions". Elle voulait proposer des chroniques sur la musique, le cinéma, le
théâtre, les sorties, le jardinage, le bricolage etc... le tout agrémenté de
musique. Elle émettait à Paris sur 1314 kHz. Pour anecdote : elle devait
initialement se nommer "Radio Temps Libre", mais avait du très vite changer de
nom (prenez les initiales et vous comprendrez...)
-TELERAMA RADIO : lancée par le magazine du même
nom, cette station se consacrait à la culture, et plus particulièrement à la
littérature, avec la lecture de livres à l'antenne. Elle émettait à Marseille,
Montpellier, Nantes, Paris, Reims et Toulouse.
D'autres radios déjà existantes ont obtenu
plusieurs fréquences OM dans une stratégie d'accélérer leur couverture
nationale. C'était le cas de RMC, alors fraîchement reprise par Alain Weil et NextRadio, qui avait obtenu des fréquences dans l'est de la France et à Brest,
ainsi que Beur FM à Perpignan et Radio Orient dans le sud-est.
Mais finalement, cette idée de donner une
nouvelle vie aux ondes moyennes s'avère être un échec. La numérisation annoncée en 2002 ne verra jamais le jour,
malgré quelques expérimentations réalisées par Radio France. La norme DRM
(Digitale Radio Mondiale) devait permettre une diffusion AM avec une qualité de
son améliorée proche de la FM, des données associées, le tout avec la large
couverture que permet l'AM et en consommant moins de puissance qu'un émetteur AM. RTL Group au Luxembourg avait longtemps soutenu cette norme.
Quant aux nouvelles
radios, ce n'est pas rose : fin 2005, Ciel AM, Superloustic,
Télérama Radio et Loisirs AM cessent leurs programmes (qu'elles n'ont jamais
démarrées pour certaines d'entre elles, hormis en diffusant une boucle). En 2008, c'est au tour de Bolloré de mettre
un terme à RNT, et ce dans la plus grande discrétion. Pourtant, la tentative
pour RNT de proposer quelque chose était là ; la radio avait tenté une relance
avec une nouvelle grille enrichie. Mais avec une diffusion AM désastreuse et
une totale absence de communication faite par le groupe, difficile pour RNT de se faire
connaître du public...
Seule La Radio de la Mer
s'en est sortie en se développant entre temps en FM en constituant un mini-réseau principalement autour des côtes maritimes. Cependant, la station
sera revendue au groupe Contact en 2009 et perdra sa couleur musicale au profit
d'une playlist plus dynamique, tout en
gardant sa thématique maritime. Après une période de silence en 2011, la station
est revendue à Arthur afin de développer Ouï FM au delà de Paris. La Radio de
la Mer bascula ainsi sur le programme de Ouï FM, avec une faible place laissée
aux programmes maritimes. Télérama Radio à elle aussi perdurée en poursuivant
ses programmes via le web. La webradio s'est éteinte en 2012 pour miser sur le
format podcast. Quant à RMC, Radio Orient et Beur FM, elles avaient fini par rendre
toutes leurs fréquences OM.
L'absence totale de communication, la très
mauvaise qualité de réception des radios, le rendu sonore, le changement
d'habitude des français habitués à la FM, un CSA qui n'y croyait que trop peu...
les motifs sont nombreux pour justifier cet échec.Par la suite, Radio
France met en 2016 un terme à la diffusion de France Info et France Bleu en
ondes moyennes. Chez nos voisins, la grande majorité des pays y ont aussi mis un
terme. Internet aurait eu raison de l'AM ? On peut aussi ajouter le déploiement
progressif du DAB+ dans la plupart des pays qui justifieraient cet arrêt, avec
une qualité de son qui est incomparable, mais également les motifs financiers, à
une époque où les groupes médias doivent faire des économies.
Arguments qui s'entendent aussi du côté
des grandes ondes. Car pendant ce temps, elles avaient fait
de la résistance, mais il fallait bien se douter qu'avec l'écoute de la radio
par internet devenu de plus en plus une habitude au fil du temps et les coûts que
cette diffusion engendre, cela ne durerait pas. France Inter avait été la
première à franchir le pas en éteignant le 162 kHz la nuit du 31 décembre 2016
(l'émetteur d'Allouis reste toujours actif pour l'utilisation des signaux
horaires). Europe 1 a suivie le 31 décembre 2019, puis RMC quelques mois plus
tard en mars 2020. RTL sera la dernière ; après une décision de couper la
diffusion la nuit et de réduire la puissance pour des raisons économiques et
énergétiques, la station du Groupe M6 disparaît des grandes ondes début janvier
2023. Des pages d'un demi-siècle qui se sont tournées...
(source/crédit photo :
reporter-radio.com)
Le centre-émetteur d'Allouis
(source/crédit photo : Stéphane Para / Le Berry Républicain)
SON - Message d'annonce de la fin de France Inter
sur grandes ondes (diffusé toutes les heures uniquement sur 162 Khz)
(décembre 2016)
SON - Message d'annonce de la fin de RTL sur
grandes ondes (diffusé toutes les heures uniquement sur 234 Khz)
(novembre/décembre 2022)
Malgré tout, on trouve encore quelques
irréductibles. Bretagne 5 (ex-Littoral AM), avait ainsi obtenu une autorisation
du CSA pour émettre sur 1575 kHz depuis son propre émetteur basé dans les
Côtes-d'Armor. Elle s'était battue durant plus de 14 ans pour espérer obtenir
une autorisation, elle émet sur les ondes le 21 juin 2015.
On peut citer
aussi Radio Caroline, la fameuse radio britannique offshore, qui avait fait son
retour sur ondes moyennes depuis novembre 2017 et émet sur le 648 kHz,
l'ancienne fréquence historique de la BBC World Service. Tout un symbole !
Enfin, ajoutons une initiative intéressante
de passionné : depuis 2021, le site Aqui Radio Andorra, dédié à l'histoire de
Radio Andorre, et un passionné de la station, Christian Milling, sont à
l'initiative de diffusions mensuelles d'émissions d'archives restaurées et de
séries qui retracent l'histoire de l'ancienne radio périphérique. Le tout
diffusé sur ondes courtes et bien sûr en podcast. Cela avait commencé avec la
diffusion d'un hit-parade du 12 avril 1981 qui devait être le dernier de Radio
Andorre, mais qu'elle n'avait jamais pu diffuser car contrainte de cesser
d'émettre 2 jours plus tôt sur ordre des autorités andorranes.