Plusieurs fois par an,
les sondages Médiamétrie tiennent le monde de la radio en haleine (et une partie
des passionnés aussi), indiquant le bilan de santé d’une antenne qui a subie des
modifications, plus ou moins majeures. Au sommet de ce ses résultats, la
première position est celle qui n’est pas forcément la plus scrutée, car la
radio qui y trône est difficilement détrônable. Mais ce trône reste tout de même
un siège éjectable, et lorsque son locataire change, c’est un évènement…
Depuis
la mise en place des sondages Médiamétrie pour la radio en 1986, RTL avait eu
pendant très longtemps la réputation de « première radio de France ». La
station généraliste bénéficie d’une image de radio populaire auprès des français
avec des émissions diverses et variées qui sont, pour la plupart d’entre elles,
bien identifiées des auditeurs avec une bonne longévité, et des voix reconnues
du public. Une antenne travaillée et préparée avec une certaine rigueur qui
ont permis à RTL de maintenir sur la durée son image de radio préférée des
français.
Mais cette image fait
des convoitises chez la concurrence. NRJ, au cours des années 90, voyait son
audience grimper petit à petit au fil des années. En 1992, elle était au dessus
des 10% d’AC (audience cumulée) derrière RTL qui était à près de 20%. Au fil
des années 90, RTL commençait à voir son audience diminuer lentement, jusqu’à la
rentrée 2000 où la tentative de rajeunir son antenne en chamboulant sa grille
allait provoquer un écroulement ; au cours de l’an 2000, son audience cumulée
était passée de 17,1% à 13,2% ! Toucher à Philippe Bouvard, Fabrice ou
Georges Lang avaient laissé de lourdes séquelles, qui rapprochaient
dangereusement RTL de NRJ…
Si RTL parvenait malgré
tout à maintenir sa première place, NRJ en face avait de l’ambition et comptait
bien y mettre son grain de sel… Dans un communiqué commun avec Skyrock en
avril 2001, la radio contestait les résultats des audiences radios qu’elles
estimaient fausses. Motif : l’intégration dans les sondages des 11-14 ans
quelques mois plus tôt était limitée seulement au premier trimestre de l’année,
ce que contestaient les deux musicales en réclamant que ce critère, qui concerne
la majeure partie de leur auditoire, soit élargi à toute l’année, considérant
que l’institut était trop dépendant aux radios généralistes. C’est à partir
de septembre 2002 que Médiamétrie prendra en compte les jeunes à partir de 13
ans dans ses sondages, qui prenait habituellement en compte les plus de 15 ans.
Pour Pierre Bellanger à Skyrock, c’était une « demi-mesure », et pour NRJ, une
« poire coupée en deux ». Il n’empêche que la panthère ne tardera pas à sourire…
SON - Top horaire de NRJ annonçant sa première place (2004)
Avec
cette intégration des 13-14 ans, les sondages Médiamértie de la période
septembre-octobre 2002 plaçaient NRJ à la première place avec 13,4% d’AC,
détrônant ainsi RTL pour la première fois (qui faisait 12,4%) ! NRJ, qui
affirmait ainsi sa puissance parmi les radios musicales, n’avait pas tardé à
s’en vanter dans son habillage et ses communications. D’autant qu’à cette
période, le groupe, en grande forme, était dans une stratégie de diversification
d’activités autour de la marque (cérémonie annuelle des NRJ Music Awards,
création de la NRJ School qui formait de jeunes animateurs radio, lancement de
la chaîne NRJ 12 sur la TNT en 2005…)
Du côté de RTL, la leçon
de la rentrée 2000 semblait avoir été retenue ; la radio, depuis, a préféré
jouer la stabilité de sa grille avec de légers changements et ajustements au fil
des saisons. Et la roue finira par tourner au fil du temps ; en forte
progression en 2006, RTL retrouvera sa place de « première radio de France » sur
la vague septembre-octobre 2006, tandis qu’NRJ, en seconde place, voyait son
audience diminuer.
SON - Christophe Hondelatte et Julien Courbet fêtent le retour de RTL à la première place (novembre 2006)
La panthère pouvait toutefois se permettre de se
revendiquer « première radio musicale de France », même si elle caressait encore
l’espoir de retrouver un jour le sommet. C’était en tout cas que qu’avait confié
le président du groupe NRJ, Jean-Paul Baudecroux, dans une interview au Figaro
en mars 2012 : « Le plus gros du travail de recalage des stations (du groupe)
a été fait et maintenant il reste quelques réglages qui porteront leurs fruits
sur un an. Sur la station NRJ, toutes nos tranches horaires ont progressé et
Cauet, en deuxième saison, capitalise sur son succès. La matinale de Manu fait
de bons scores et produira son plein effet la saison prochaine. Il a signé un
contrat pour deux saisons. ».Ce désir ne tardera pas à devenir réalité très
rapidement : NRJ avait retrouvé à nouveau la première place sur la vague avril-juin 2012 ! Fière de ce succès, la station comptait bien tout faire pour
maintenir sa place tout au long de la saison 2012-2013.
Mais raté : RTL avait
très vite retrouvé son leadership à la rentrée 2012, alors qu’elle venait de
revoir ses tranches d’informations avec de nouveaux présentateurs (Laurent Bazin
le matin, Vincent Parizot le midi et Marc-Olivier Fogiel le soir). Bon joueur,
Jean-Paul Baudecroux (photo) avait félicité sa rivale dans Le Figaro : « Je félicite
Christopher Baldelli, le patron de RTL. Sa nouvelle grille mise en place en
septembre a démarré en trombe. C'est du jamais vu en trente ans, car la radio
est plutôt un média d'habitude. Mais je ne perds pas espoir : NRJ arrivera à
battre RTL un jour. ». Une prémonition qui prendra du temps.
Car RTL sera à nouveau détrônée quelques années plus tard, mais par une autre
rivale...
Les sondages Médiamétrie de la vague
janvier-mars 2019 annonçaient une surprise : France Inter dépassait RTL pour la
première fois !Après une longue période de coude à coude, la radio du service
public affichait une audience cumulée de 11,7%, contre 11,3 pour sa rivale. Le
fruit d’un long travail autour de l’antenne réalisé par la directrice de
l’époque, Laurence Bloch. On pourrait peut-être aussi supposer que la diffusion
minime de publicités sur la radio publique ait pu jouer un rôle sur ces
résultats. En face, RTL voyait son audience fortement
chuter (0,9 point de moins en un trimestre, et une baisse de la durée d’écoute).
Un rejet du public qui serait une conséquence de la reprise de la radio par le
Groupe M6 en 2017 ? Le patron, Christophe Baldelli, reconnaissait un résultat
« atypique », alors que « la grille n’a pas changé et l’actualité n’a pas été
bouleversée ».
SON - Nicolas Demorand annonce la première place de France Inter après le journal de 8h (18/04/2019)
A noter que quelques mois plus tôt, en avril
2018, RTL, lorsqu’elle était encore première radio de France, s’était lancée
dans une nouvelle guerre contre NRJ, en portant plainte pour « concurrence
déloyale et pratique commerciale trompeuse ». La raison : le top horaire de
la radio musicale, qui chante « Radio Number One » depuis 1988. Un « emblème
sonore » historique qui « n’a jamais été lié à une revendication d’audience » et
que « personne n’avait jamais perçu comme tel », se défendait la station. Un
procès perdu pour RTL ; la radio du Groupe M6 avait été condamnée en octobre
2020 par la Cour d’appel de Paris à verser 10 000 euros d’indemnité de frais de
justice à NRJ.
Depuis 2019, France Inter n’a jamais quitté sa
première place, et voit régulièrement ses chiffres d’audiences en hausse. Reste
à voir si elle parviendra à se maintenir, surtout après une saison 2023-2024
plutôt agitée pour la station publique.
A noter que je me suis appuyé globalement sur
les pourcentages des audiences cumulées, c’est-à-dire le pourcentage de
personnes ayant écouté une radio au moins une fois dans la journée. C’est ce
critère qui est souvent le plus mis en avant dans les sondages Médiamétrie. Car,
nous l'avons souvent vu : à chaque parution des audiences Médiamétrie, toutes les
radios ont gagnés, en cherchant une tranche d’âge ou un créneau horaire très
précis…
Et pour finir, une petite anecdote dans cette bataille du trône de la première
place... il fallait aussi ajouter Europe 1 ! Car oui, saviez-vous que la radio
généraliste du groupe Lagardère avait réussi à détrôner RTL, France Inter et NRJ ?
Oui, mais… seulement en Ile-de-France ! C’était début 2014, avec une
audience cumulée à 11,1%, contre 11% pour RTL. Une victoire, et une première
historique pour Europe 1, qui s’était donc jouée de très très peu.